Même en virtuel, un printemps improbable a fleuri en avance dès le mois de mars 2021 avec la 3e édition du projet de rencontres avec des créateurs et créatrices autochtones. Jani Bellefleur-Kaltush, Maya Cousineau Mollen et Jocelyn Sioui ont ainsi accepté d’effectuer une courte résidence de six rencontres auprès d’un même groupe de jeunes. Il et elles ont élaboré avec ces derniers un projet de création portant sur l’identité et la fierté autochtone et la réconciliation.
Maya Cousineau Mollen : poésie et mémoire
Maya Cousineau Mollen, autrice Innue-Montagnaise originaire de Mingan, a partagé ses réflexions en lien avec la connaissance de l’histoire des Premières Nations et la pertinence de la réconciliation auprès de jeunes de 4e secondaire de l’Institut d’enseignement de Sept-Îles. Maya a tout d’abord présenté son parcours de vie qui est intrinsèquement lié à l’histoire coloniale du pays. La situation particulière des deux classes qu’elle a rencontrées, composées d’Innuat (Innu au pluriel) et de Québécois a rendu le message encore plus pertinent à partager. Dans un deuxième temps, avec l’accord aussi important de Mme Ève Ringuette, jeune femme Innu réalisatrice de court métrage, l’autrice a présenté un court film sur la réalité des pensionnats autochtones. À la suite du visionnement, les jeunes ont été invité à composer un texte sur ce que cela a éveillé en eux et en elles.
« Le fait que [la moitié des élèves] soient issus des Premières Nations apporte certainement un point de vue différent de celui des potentiels futurs élèves. Mes élèves ont trouvé que tout le monde devrait avoir la chance de découvrir l’histoire sous cet angle nouveau. Plusieurs ont été inspirés par Maya lors de la création d’un poème engagé. À refaire encore et encore. » – Marie Gagnon, enseignante, Institut d’enseignement de Sept-Îles
Jocelyn Sioui : les histoires dans l’Histoire
Auteur, comédien et marionnettiste, Jocelyn Sioui est membre fondateur de Belzébrute, band de théâtre et ses œuvres ont pu être appréciées un peu partout au Canada et en France. Il est également fondateur et directeur du OUF ! Festival Off Casteliers, un festival dédié aux arts de la marionnette qui est devenu le plus grand rassemblement de marionnettistes au Canada. Il travaille présentement à développer une série d’ateliers sur l’histoire oubliée des autochtones au XXe siècle.
À partir de faits liés à l’histoire autochtone du XXe siècle, mais aussi d’histoires liées à la mythologie familiale des jeunes, Jocelyn leur a proposé de créer une œuvre composée de ces récits pour mettre en relief l’importance de la mémoire et de se souvenir. À l’école Manikoutai de Sept-Îles, les élèves ont créé de courts textes qu’ils ont par la suite publiés dans le journal de leur école. À l’école secondaire Marie-Clarac, les rencontres ont eu lieu à la fois pendant les cours de français et d’histoire ce qui a donné une dimension particulière à l’ensemble de l’expérience, aboutissant à des créations écrites et vidéo. Dans tous les cas, les jeunes ont fouillé leur histoire personnelle pour lui faire rejoindre la grande Histoire.
« […] ces jeunes ont vraiment apprécié [les ateliers] et, pour plusieurs, il s’agissait d’une première expérience dans une forme d’atelier d’écriture et de création. Ils étaient vraiment enthousiastes et heureux de pouvoir laisser libre cours à leur créativité. Merci beaucoup pour l’expérience que vous avez offerte à nos élèves, dans un moment assez particulier de leurs vies ! » – Christine Touzel et Geneviève Otis, enseignantes, école Manikoutai, Sept-Îles
« Les élèves ont été touchées par les propos de M. Sioui et ont adoré ses questions de réflexion existentielles ! Personnellement, j’aimerais le recevoir chaque année, en face à face si possible, afin de poursuivre ce projet interdisciplinaire qui a su bousculer les troupes et leur faire vivre une expérience tout à fait extraordinaire. » – Annie Frenette, enseignante, école secondaire Marie-Clarac, Montréal
Jani Bellefleur-Kaltush : encapsuler le moment
Originaire de la communauté innue de Nutashkuan, Jani Bellefleur-Kaltush est réalisatrice, artiste, médiatrice intellectuelle et traductrice innu-français. Elle est aussi la responsable à la mobilisation et l’impact collectif au Wapikoni mobile où elle s’implique depuis 2009. Elle a réalisé plusieurs courts-métrages, est la première femme des Premières Nations à compléter un programme en réalisation cinéma (INIS) et travaille également comme médiatrice culturelle chez Exeko, organisme qui utilise des approches innovantes et collaboratives pour créer les conditions nécessaires à l’inclusion et l’émancipation intellectuelle des jeunes et des adultes.
Imaginer son propre film : tel était le projet proposé par Jani à des élèves de 6e année de l’école Saint-Étienne, afin de leur permettre de capturer un moment de leur vie avant leur passage au secondaire. Un projet qui a mis de l’avant leur singularité en tant qu’individu, mais également leur identité collective. À l’aide de présentations d’extraits de courts-métrages du Wapikoni mobile, Jani a initié les jeunes à l’univers de l’écriture scénaristique. Elle a travaillé avec elles et eux le choix du sujet, l’élaboration d’un synopsis et l’ébauche d’un scénarimage (storyboard). Au fil des rencontres, elle a eu l’occasion de démystifier l’univers du cinéma et créer des discussions passionnantes avec les jeunes. La magie du virtuel a même permis aux parents et aux grands-parents d’assister au moment magique de la diffusion en direct, en même temps que les élèves !
« Le projet a été l’un des plus beaux projets que j’ai eu la chance de réaliser en classe. Jani est une créatrice à l’écoute qui a à cœur de partager son histoire avec les jeunes. Comme le projet s’articulait autour de l’identité (celle des Premières Nations et la nôtre), les échanges ont été très enrichissants. Jani a su répondre avec sérieux et honnêteté, à toutes les questions qu’avaient les élèves. […] La participation des élèves a été excellente et le lien qu’ils ont créé avec Jani au fil des rencontres était merveilleux. Nous pouvions d’ailleurs sentir cet attachement lors de la journée de tournage. Bref, une rencontre improbable entre une réalisatrice et un groupe de jeunes, qui a donné naissance à un magnifique projet. » – Sandra Verilli, enseignante, école Saint-Étienne, Montréal