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L’importance de se reconnaître dans les livres

1er mars 2021

Un texte de Josephine Watson pour prolonger les réflexions autour du Mois de l’histoire des Noirs.

 

Quand j’étais une petite fille, mon imagination était folle. Je voyais ce que mon esprit voulait voir, c’est-à-dire généralement quelque chose de fantastique que je lisais dans mes livres d’immersion en français. Comme Dinomir le géant violet, ou bien une image caricaturale découverte dans «  Je doute, je cherche, je trouve », mon premier dictionnaire de français.

Je ne comprenais pas encore le concept de représentation et son absence dans notre éducation. Jusqu’à ce que je prenne conscience que les personnages de mes livres ou dans les programmes pour enfants que je regardais comprenaient, en plus d’animaux ou d’êtres fantastiques, des gens généralement blancs. Il était effectivement très rare de voir un personnage de couleur, sauf dans les émissions « 1, rue Sésame » et « The Electric Company ».

De la même manière, les personnes de couleur au Nouveau-Brunswick, du moins dans ma jeunesse (les années 1980), étaient elles aussi rares. En fait, il y avait si peu de diversité dans ma ville, à la télé ou au cinéma que j’ai commencé à me sentir différente, hors-norme. D’une certaine façon, je sentais que j’avais besoin d’amener les gens à oublier que j’étais noire.

En vieillissant, la seule façon que j’ai trouvée pour éviter de me faire traiter de surnoms péjoratifs par les autres étudiant·e·s (généralement des garçons) et pour ne pas ressasser la frustration que je ressentais de ne pas avoir des cheveux aussi raides, des lèvres aussi fines et une peau aussi claire que les autres filles, ça a été de cacher mes vrais sentiments en faisant rire mes « copains et copines » de classe. 

Maintenant que je suis devenue une adulte, je me demande à quel point la vie est différente pour la jeune génération. À quel point son acceptation est meilleure et plus inclusive.

La diversité n’est pas un concept nouveau, mais elle gagne en popularité et devient de plus en plus la norme. Nous avons assisté à l’élection du premier président noir nord-américain, au succès mondial d’entrepreneurs comme Oprah, aux exploits scientifiques de Neil de Grasse Tyson ou d’astronautes noirs comme Mae C. Jameson et Ronald MacNair. Ici même, au Nouveau-Brunswick, la grande chanteuse d’opéra Measha Brueggergosman, le poète activiste El Jones et l’artiste visuelle Aleya Michaud s’illustrent pleinement.

Les allié·e·s de la cause noire sont également de plus en plus nombreux·ses et visibles. Nous observons une augmentation des relations interraciales et une meilleure compréhension des besoins des enfants noir·e·s et méti·sse·s. S’il a fallu à l’époque que ma mère déploie beaucoup d’efforts pour me trouver une poupée noire, il est nettement plus facile de s’en procurer à présent. Même chose pour les livres jeunesse présentant des enfants de couleur, essentiels pour le développement social et mental de ces jeunes.

Tout comme moi alors, les enfants se tournent vers leurs parents, leurs professeur·e·s, leur entourage pour savoir comment naviguer dans cette société. Iels recherchent des exemples à suivre pour combler leurs besoins et, plus tard, réaliser leurs rêves. Cela est vrai pour toustes les enfants. Quelle que soit leur couleur.

Les enfants noir·e·s méritent donc autant que les autres d’être encouragé·e·s, afin d’avoir confiance en elleux et de connaître leur valeur personnelle. Et chose plus importante encore, nous devons toustes comprendre et célébrer les contributions des personnes de couleur à notre pays et à notre existence quotidienne.

J’ai eu pour ma part la chance d’avoir été invitée à traduire Africville, dont la version originale anglaise a été écrite par Shauntay Grant, une autrice noire de la ville d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. Elle y raconte l’histoire d’une jeune fille de couleur dans les Maritimes qui imagine à quoi ressemblerait une journée dans la vie d’un ou d’une enfant d’Africville, un quartier noir d’Halifax démoli dans les années 1960.

Les habitant·e·s d’Africville étaient des descendant·e·s d’esclaves et de soldats qui avaient combattu pour les Britanniques durant la guerre civile américaine. Iels étaient propriétaires de leurs maisons et payaient des impôts, mais la ville d’Halifax, qui les avait déjà privé·e·s de services pendant deux siècles, a quand même pris la décision unilatérale de détruire sans cérémonie leurs habitations au bulldozer et les a déplacé·e·s par la force dans des logements. Certaines familles ont déménagé par leurs propres moyens, d’autres ont été transporté·e·s dans des camions à ordures. Oui, je le répète, des camions à ordures !

Africville est un livre que j’aurais aimé avoir quand j’étais une enfant. Il m’a pour la première fois permis de me reconnaître dans ma communauté d’appartenance. Pourtant, la résilience de la communauté noire des Maritimes, une des plus anciennes du Canada, n’a jamais faibli.

Aujourd’hui, des groupes comme Black Lives Matter, à Fredericton, ont produit un site Web pour que les enseignant·e·s sachent comment enseigner l’histoire des noir·e·s dans les écoles des Maritimes. De plus en plus de personnes de couleur sont également invitées à partager leurs expériences dans des panels, à encadrer les enseignant·e·s dans des ateliers pour leur faire comprendre l’importance d’une éducation inclusive. Et les activités organisées chaque année au mois de février dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs (lectures, documentaires, films, performances et célébrations) sont de plus en plus nombreuses.

Notre prochaine étape ? Inclure l’histoire des noir·e·s à l’intérieur de celle enseignée tout au long de l’année scolaire, et non pendant cette seule période.

Ainsi, lorsque vous lisez Africville avec votre enfant ou vos élèves, sachez que l’histoire des noir·e·s qui y est dépeinte est vraie et qu’elle nous appartient à tous et à toutes.

 

Josephine Watson

Native de Fredericton et résidente de Moncton au Nouveau-Brunswick, Josephine est tombée amoureuse de la langue française dès son enfance. Actrice, poète et chanteuse, elle s’est illustrée sur la scène canadienne aussi bien dans des productions théâtrales que sur la scène du Festival de jazz de Montréal auprès de DJ Champion. Elle a récemment réalisé la traduction en français de l’album jeunesse Africville pour les éditions Bouton d’or Acadie.

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